Amitié à l'américaine

Dernièrement j'ai demandé à quelques uns de mes amis américains et Français ce qu'ils pensaient d'un article de blog écrit par une Francaise qui avait du mal à comprendre la froideur des Américains. Voici l'article en question.

Mon post aujourd'hui est mon premier article du genre "interview" quoique je ne sois pas du tout à l'aise avec ce format veuillez donc me pardonner si je ne respecte pas les canons de ce genre de publication.

La première d'un ami bien Français qui dit n'avoir aucun ami américain, seulement des amis internationaux....Sur le mode humoristique, à la question "pourquoi tu n'as pas d'amis américains" voici sa réponse lapidaire :

1.       Je ne bois pas de bière
2.       J’ai n’aime ni leurs séries TV, ni le football américain,
3.       Je n’aime pas les discussions creuses…


Je dois dire qu'il y a là quelque chose de vrai de mon point de vue, pour le #2. J'ai remarqué que les conversations tournent souvent autour du sport et le "bonding" des hommes en tous cas se fait souvent autour d'une bière en regardant un match de foot ou de basket! Même les femmes américaines en connaissent un rayon sur les équipes et les joueurs. Pour moi qui ne connait même pas les règles du foot ou du baseball, je me retrouve déjà avec un train de retard dans les conversations de base. Ce qui m'amène au #3, les discussions creuses. Il m'est arrivé de commencer à avoir des discussions intéressantes (de mon point de vue) sur la religion ou la politique avec des Américains, mais ils se sont vite arrêtés avec l'air de bêtes traquées lorsqu'ils se sont rendus compte ou je les entrainais...c'est dommage car je sais qu'ils ont une opinion sur ces sujets mais ils la gardent soigneusement pour eux. Par contre ils n'ont aucun scrupule à dire ce qu'ils ont payé pour leur maison  ou qu'il sont voté pour Trump ;-). Les Français dans ces domaines resteraient bouche cousue....

Mes deux ami(e)s ci-dessous ont tous les deux eu des conjoints américains. Je pense donc qu'elles ont peut-être un point de vue plus objectif que moi sur cet article. "A" est plutot américanisé pour le coup, comme un Américain il se méfie de ceux qui veulent faire connaissance trop vite :

-- Euh oui, c'est plutot bizarre d'inviter quelqu'un qu'on connait a peine pour faire connaissance, a moins que ce soit de la famille. Meme en France, je ferais jamais ca.

et il donne un conseil aux nouveaux immigrants :

--quand les Americains disent "let's have lunch one day", c'est par politesse. Ils ne s'attendent absolument pas a une invitation. C'est comme quand on dit en France qu'on se verra, mais on se voit pas au final. 

"B" est une amie américaine très francophile et son conjoint est Francais. Elle m'a donné une longue réponse c'est un point de vue intéressant car elle utilise des fruits pour faire la comparaison! Les petites fautes ci-dessous sont les siennes que j'ai laissées pour l'authenticité, mais mon amie parle un excellent français!

--Premièrement, il ne faut jamais oublier que la société américaine n'est pas une culture latine, mais plutôt germanique (qui pourra changer avec l'hispanisisation des Etats-Unis). Alors, les habitudes physiques ne sont pas pareilles et, tout comme les pays d'Europe du nord, on ne fait pas la bise. Cela dit, des 'hugs' peuvent être très intimes et sincères (plus de pression, plus longs), mais pas avec n'importe qui.

J'ai peut-être déjà raconté la métaphore (un peu généraliste, mais utile) de la pêche et la pastèque. Les Français sont des pastèques avec une écorce dur et un intérieur mou. Il faut du temps pour pénétrer l'écorce, mais dès qu'on y est, il y a une grande intimité et une fiabilité. Les Américains sont plutôt des pêches avec un extérieur tout doux, mais un noyau très dur. Il y a une grosse ouverture tout de suite, mais une grande réticence à craquer le noyau.

Je crois que pour cette histoire de dîners, c'est une question de ce que l'on attend du dîner. Un Français est plus prêt à ce point à ouvrir l'écorce pour montrer le centre et pourra imaginer que l'Américain veut faire pareille... L'Américain a l'habitude de protéger le noyau bien plus longtemps et pourrait trouver les discussions menées par le Français trop intenses.

De plus, je trouve que beaucoup d'Américains ont peur de faire face à leur propres noyaus. Faute de modèles d'introspection, de cours de philosophie qui sont obligatoires en France, même d'une longue tradition du café où il est normal de discuter pendant des heures, les Américains peuvent facilement se contenter d'une vie plus superficielle. Bon, beaucoup ne connaissent que ça.

Aussi, les Américains démenagent plus souvent et ont une attitude plus pratique, disons, de ne pas 'porter' leurs amitiés avec eux. Ils ont même une philosophie qu'ils appelent 'reasons and seasons' sur l'amitié (que certains gens sont dans nos vies de façon passagère et pour ce dont nous avons et ils ont besoin pendant cette période limitée).

C'est marrant mais à propos de cette dernière remarque, c'est une philosophie que j'ai adoptée toute seule depuis quelques années, sans doute pour me protéger après nos nombreux déménagements et éloignements. J'essaie de toujours rester en contact avec mes amis précédents, mais en même temps je me dis qu'il faut éviter ce déchirement et regarder devant moi, et profiter des rencontres que je fais en ce moment, sans m'y "accrocher"; une philosophie de l'instant présent en quelque sorte....

Donc, en effet, un 'dinner party' avec plus de monde peut diminuer l'intensité pour un Américain et les aider à garder la superficialité qu'il trouvent tout à fait normale et avec qui ils sont à l'aise. 

En fin de compte, cependant, à mon avis, il ne faut pas que les Français cherchent les amitiés à la française aux Etats-Unis. Si un Français trouve un Américain qui est en dehors de ce schéma comme ami, il faut l'apprécier comme exceptionnel. Sinon, il faut accepter que les relations soient plus superficielles et 'casual' et ne pas être trop déçu si les gens 'disparaissent.' Il vaut mieux attendre à être avec des non-Américains pour creuser plus profondément.

De l'autre côté, je trouve qu'il n'est pas du tout facile à faire des amis en France non plus. En plus de l'écorce protectrice qui prend plus longtemps à pénétrer, il y a l'habitude française de former son cercle social très jeune et rester fidel à ce groupe au point de manquer de place pour de nouvelles connaissances. Si on arrive en France en tant qu'adulte, il peut être très difficile de trouver des Français intéressés aux nouvelles amitiés.

Il me semble que c'est vrai aussi des Américains : ils fréquentent leurs amis d'enfance, leur famille et peut-être quelques collègues de travail mais restent aussi en cercle restreint....

Pour finir, le témoignage d'une amie ayant eu un conjoint américain :

La convivialité à la française, les bon petits diners entre amis, c'est quelque chose qui n'existe pas là bas, sauf exceptions bien sûr (et il y en a toujours...) mais moi j'ai rarement vecu cela, de plus, j'ai toujours eu l'impression que pour eux, rester à table, manger à table c'était une corvée... Qu'il fallait vite passer... Pourtant, les BBQ avec des plus grand groupes, ça, sa marche parfaitement pour eux. Ils se servent eux mêmes, mangent où ils veulent, parlent avec qui ils veulent (d'habitude "small talk" ) etc...

Personnellement je vis ici depuis 18 ans et j'ai donc renoncé depuis longtemps à me faire des amis américains. Si cela arrive tant mieux mais je ne fais plus de "forcing".....et je me rends compte que ce sont plutot eux qui viennent maintenant vers moi.

Ces différentes opinions se retrouvent en tous cas sur un point : les Américains et les Français ont des façons de voir les choses totalement différentes quand il s'agit de se réunir et de créer des liens d'amitié. En tant qu'expatriés ou immigrés, il est important de garder toutes ces remarques à l'esprit et de ne pas se formaliser si les liens ne se créent pas malgré (ou à cause de) tous nos efforts! 




Commentaires

  1. Article super interessant. Effectivement l'amitie que ce soit en France ou aux Us c'est complique. Mon mari est canadien et nous avons vecu 15 ans en France et il n'a pas reussi a vraiment se faire d'amis et depuis que nous vivons aux Us il est plus a l'aiset et c'est moi qui ait du mal . Faut juste accepter que c'est comme ca et s'adapter

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    1. J'ai vecu presque 4 ans au Quebec et je ne me suis pas fait d'amis canadiens. Je pense que les gens qui vivent "dans leur pays" sont moins en recherche d'amities etrangeres. Ils sont deja leur reseau leur famille alors que les immigres sont seuls, loin de tout et sont plus en demande de relations....

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  2. L'article est criant de vérité!! Exactement le même constat pour moi!! Mais c'est toujours "rassurant" de voir que ça se confirme chez les autres!!

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  3. Article très intéressant, les différents points de vue me donne du grain à moudre :-) De mon côté, j'ai quelques amis américains, mais je crois que ce sont en effet des personnes exceptionnelles, en tout cas pour moi! Et puis je pense que la vraie amitié ne se voit qu'au fil de la vie, après plusieurs années et plusieurs déménagements. Finalement, quand je repense à mes "amis" en France, je reste en contact régulier avec bien peu d'entre eux, même si je suis contente de revoir les autres quand je voyage en France! Ça revient à quelque chose de superficiel également…

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    1. Je n'ai plus d'amis en France à part deux, un ami d'enfance. Sinon j'ai quelques amis expats rencontrés au Quebec puis aux USA et depuis rentrés en France ou partis ailleurs. Les autres ont coupé les ponts. Il est difficile de garder des choses en commun quand on est partis et qu'on vit l'experience de l'immigration. De meme je n'ai pas grand chose en commun avec des Américains tres sympas au demeurant mais n'ayant jamais mis les pieds hors des US (ou meme de leur ville!).

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